NOUVELLE ACROPOLE:POUR BOUSCULER LA DEMOCRATIE?
LALLEMAND,ALAIN
Page 24
Mardi 26 octobre 1993
NOUVELLE ACROPOLE: POUR
BOUSCULER LA DÉMOCRATIE?
Traiter de «Nouvelle Acropole» en quelques lignes est un exercice hautement périlleux. Nouvelle Acropole conteste la démocratie actuelle («inopérante et chaotique»?), conteste la suprématie absolue de la raison, donne une place à l'initiation et l'expérience - mentale, psychologique, mais aussi physique -, conteste l'égalitarisme absolu, prône la «méritocratie», enfin, - et cela marque les esprits - salue le bras levé, «à la romaine». NA souhaite un retour intellectuel aux sociétés traditionnelles, sociétés «présocratiques» qui ne connaissaient pas encore la «philosophie» mais seulemement la «sagesse». Ce mouvement vante les mérites de sociétés où rêgnerait non pas la justice judiciaire mais l'ordre divin incarné par un «roi-prêtre», médiateur entre l'homme et le sacré.
Des théosophes belges, autrefois membres de Nouvelle Acropole, disent avoir expérimenté un «groupe extrémiste», «groupe d'extrême droite» - c'est l'image qui leur colle à la peau depuis bien des années. NA répond qu'il est précisément opposé à tout extrémisme, qu'il soit politique, religieux ou rationaliste, puisque ce mouvement chercherait à trouver un dénominateur commun à ces différentes tendances. NA admet cependant que sa symbolique reste fort lourde, c'est un euphémisme. Si on ajoute à cela l'expérimentation, la «mise à l'épreuve» physique, la relation avec le modèle spartiate vient immédiatement à l'esprit. NA, une fois encore, rejette toute tentative d'assimilation aux régimes totalitaires.
Proche des «fachos»? Disons plus simplement que le discours de ce groupe se trouve sur le fil de la lame. Si Nouvelle Acropole se définit comme un groupe de recherche philosophique, en mutation constante, un modèle politique de référence apparaît nettement en filligrane. Toute la question est de savoir comment NA compte tirer les leçons de ce «modèle» pour les vendre à notre société actuelle. On sait qu'ils sont farouchement antimarxistes, pour des raisons aussi politiques qu'ésotériques; qu'ils sont initiatiques en ce qu'ils réinstaurent une trinité «Homme - nature - dieu» où il convient de réapprendre la nature, de réapprendre le dieu, ils ne fixeraient pas de passages initiatiques précis.
Ce qui est certain, c'est que la théosophie est une de leurs références - une de leurs références, mais pas la seule: ils ne croient pas à priori à un principe divin ni à une réincarnation, ils ont la couleur mais pas le goût du Nouvel Age: Bailey n'existe pas, la théosophie s'arrête pour eux à Blavatsky. Cela étant, ils prônent la réconcilation de la raison avec l'imaginaire - thème récurrent dans d'autres associations - et accordent une grande importance aux travaux de Jung, aux archétypes de l'inconscient collectif, car ils considèrent l'«homme religieux» non pas comme une étape de l'histoire de l'homme mais comme un élément structurel et caché de l'homme. En lisant leur revue, il est donc tentant - mais erroné - d'assimiler NA aux Enfants du Verseau. NA a choisi d'implanter à Bruxelles sa structure administrative internationale. Le coeur légal de NA au plan mondial, structuré maintenant dans 46 pays, est donc dans notre capitale. La structure NA belge, lancée en 1977, a connu un essor jusqu'en 1984, date à laquelle le mouvement a commencé à s'essouffler. Il n'est pas acquis que le mouvement NA belge perdure. Il ne compte qu'un cercle d'amis d'une bonne centaine de personnes, le noyau de membres étant de quelques dizaines d'adeptes (Liège, Anvers, Bruxelles). La NA compte plusieurs instituts spécialisés «de recherche» à l'étranger, notamment à Madrid et à Paris.
A. L.
Source : Le Soir
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"Ne rien nier à priori, ne rien affirmer sans preuve."
( Dr. Robert RENDU)