https://www.dhnet.be/actu/belgique/2022/11/08/hitler-et-les-chambres-a-gaz-le-post-dun-ex-gendarme-fait-polemique-jai-bien-reflechi-avant-de-publier-NSKWHMRH5FCW3D2S6M5AFFHNHA/
Hitler et les chambres à gaz: le post d’un ex-gendarme fait polémique, “J’ai bien réfléchi avant de publier…”Le post d’un ex-gendarme "connu" à propos de Hitler et des chambres à gaz suscite l’indignation.
Publié le 08-11-2022 à 08h35
Louis, un lecteur, s'est indigné, la semaine passée, de trouver cette photo de Hitler avec ce commentaire sur le prix du gaz, sur la page Facebook d'un certain Christian Amory. Le post suscite des réactions écœurées, comme celle du président de la Ligue belge contre l'antisémitisme. On voit Hitler, absorbé dans l'examen d'un document, associé à ce commentaire, délibérément rédigé en caractères gothiques : "P'tain, c'est quoi cette facture de gaz." L'auteur, Christian Amory, un ancien gendarme, a fait, jadis, parler de lui.
D’après nos recherches, ce portrait de Hitler photographié assis, à table, dans une auberge bavaroise, date de 1933. C’est l’année où il prend le pouvoir - le 30 janvier - et fait ouvrir le premier camp de concentration permanent, sous la houlette de Himmler, le 20 mars, dans une ville proche de Munich appelée Dachau.
Le jour-même de sa publication, le 26 octobre dernier, le post de Christian Amory suscitait la réaction d'une internaute : "À vomir, vous dépassez la ligne rouge." Amory lui répondait : "Madame, c'est votre avis, si vous voulez vous pouvez signaler la publication… et me supprimer de vos amis… je ne veux pas entrer dans des polémiques diverses… infructueuses ou chacun se jettera des pots de… à la tête… quand j'ai publié cette photo… j'ai réfléchi et cela pouvait permettre à certains aussi de réfléchir… sur ce qui s'est passé, ce qu'il y a eu… et en tirer des leçons."
D’accord, mais comprenne qui pourra. Après quoi la dame, dont l’intervention se limitait à manifester son indignation, se faisait taxer d’"extrémiste". Et un certain "Vincent Torip" en remettait une couche : "Délation et aucun humour. Hitler vous aurait adoré."
Il faut rappeler que la loi Mahoux du 23 mars 1995 punit de huit jours à un an d’emprisonnement "quiconque nie, minimise grossièrement, cherche à justifier ou approuve le génocide commis par le régime national-socialiste pendant la Seconde guerre mondiale".
La législation suisse ajoute la provocation ou la volonté de porter atteinte à la dignité des victimes de la Shoah. Ce n’est pas le cas chez nous. Après le carnaval d’Alost en février 2020, Unia n’avait pas porté l’affaire devant la justice. On y avait pourtant vu des représentations de Juifs affublés des attributs d’insectes ; une parodie d’un stand de vente de souliers qui appartenaient aux détenus de camps de concentration ; et d’autres représentations blessantes, insultant le souvenir de l’Holocauste et de six millions de victimes. Le président de la LBCA a retenu la leçon.
Le nom d'Amory est apparu dans un volet clé de l'enquête sur les Tueurs du Brabant, en lien avec ceux de ses anciens collègues Robert 'Bob' Beijer et Madani Bouhouche. Ex-sous-officier de gendarmerie, Christian Amory a appartenu à l'Escadron spécial d'intervention et plus tard, à la BSR - section drogues - où il a d'ailleurs fait leur connaissance. Et plus. Amory est connu pour les avoir aidés, le 17 août 1983, dans ce qui a été présenté comme le vol, à Knokke, d'une embarcation de type dinghy. Beijer et Bouhouche projetaient de racketter des grandes surfaces auquel ils voulaient associer Amory qui dit qu'il ne savait pas. Le premier s'était procuré les plans des égouts de Bruxelles dont ils auraient besoin pour fuir après récupération de l'argent du racket. Le Zodiac devait servir pour fuir.
Au décès de Bouhouche (fin 2005), sa femme confiait qu'après une des arrestations de son mari, celui-ci l'avait chargée de contacter Christian Amory pour qu'il vide des garages où se trouvaient des armes volées. Anne Q. précisait qu'Amory "étant encore à la gendarmerie pouvait ainsi vérifier comment et par qui les garages étaient surveillés". Il fallait goupiller tout cela. Pour ce, Mme Bouhouche et Amory s'étaient rencontrés au Toucan, un motel de Nivelles.
Ces éléments n’ont certainement pas permis d’impliquer Bouhouche, Beijer ni Amory pour les faits du Brabant wallon.
Amory, qui a fourni des explications, n’a jamais été condamné. Les années ont passé. Sur son mur Facebook, Christian Amory se présente aujourd’hui comme "fouteur de m… à mes temps perdus". "Et comme maintenant je suis pensionné…"
Pour revenir au portrait de Hitler et à ce commentaire, la LBCA ne portera donc pas plainte. "Ça ne sert à rien malheureusement", répond Joël Rubinfeld, contacté aux États-Unis, qui a retenu les leçons du Carnaval d’Alost, et dont les plaintes "aboutissent systématiquement à des classements sans suite", dit-il.
Commentant depuis Dallas le post d’Amory, Joël Rubinfeld parle d’"insulte à la mémoire des millions de personnes gazées par les nazis". "Nous constatons, poursuit le président de la LBCA, que "ce type de posts se cache de moins en moins derrière l’anonymat. Cela témoigne du sentiment d’impunité qui règne désormais aujourd’hui sur les réseaux sociaux. Comment l’expliquer ? D’une part, l’arbitrage opéré par les médiateurs balance plus souvent en faveur des clics que de l’éthique. D’autre part, notre système judiciaire, qui pourrait pourtant pallier les errances des réseaux sociaux, souffre lui-même d’un laxisme affligeant".
Joël Rubinfeld rappelle le "tweet antisémite en 2020 (toujours en ligne à ce jour) dans lequel l’actuel ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne se faisait l’avocat des caricatures antisémites du carnaval d’Alost et dénonçait le ‘lobby juif"’. "Que sommes-nous en droit d’attendre du citoyen lambda, termine Joël Rubinfeld, "alors que la personne censée garantir le respect des lois piétine elle-même, sans honte ni vergogne, la loi Moureaux de 1981 réprimant l’antisémitisme".
Faute d’intervention spontanée, la Ligue belge contre l’antisémitisme, dit avoir "adressé un signalement à Facebook", ajoute Rubinfeld. Sans effet pour l’instant : Facebook n’avait toujours pas retiré le post d’Amory dimanche soir. Christian Amory, contacté, maintient ses explications : "J’ai voulu rappeler le passé et alerter sur le retour de l’extrême droite en Europe et les dangers de celle-ci". Amory trouve un argument favorable dans le fait que Facebook n’a pas retiré son "montage".
_ _ _
Pour information
https://www.facebook.com/christian.amory