La "cellule de Jumet" entrouvre le dossier des "tueries du Brabant" en évoquant un rapport.
Danièle Zucker mandatée pour examiner le dossier.
Le métier de profileur connaît, comme d'autres professions touchant aux sciences humaines, de bons éléments et de moins bons - il y a même des fumistes, en la matière...
Eh bien, pour la justice belge, Danièle Zucker compte assurément parmi les bons, voire même les très bons. C'est ainsi qu'elle est mandatée, depuis janvier dernier, pour examiner le très volumineux dossier (des centaines de milliers de pages) des "tueries du Brabant", pour tenter d'en extirper d'utiles bribes de vérité.
Lundi, la "cellule de Jumet", qui planche sur l'une des plus sombres affaires de la Belgique moderne (les "tueurs fous" avaient fait 28 morts entre 1982 et 1985 en attaquant surtout des grands magasins Delhaize et Colruyt) a entrouvert son dossier en évoquant le premier rapport de Mme Zucker (un autre est prévu pour la fin de l'année).
Le président du tribunal carolo, Jean-Pol Raynal, qui fait aussi office d'unique juge d'instruction du dossier après le départ à la pension de son prédécesseur, Jean-Claude Lacroix, a ainsi confirmé une information qui circulait depuis quelque temps, à savoir que ce rapport, déposé en août, donnait lieu à de nouveaux devoirs d'enquête.
On avait remarqué, au fil du temps, que, à défaut d'engranger des résultats concrets, la "CBW" avait su innover dans les techniques d'enquête, en faisant appel à l'hypnose, au polygraphe ou à la géomatique pour ne citer que ces exemples. Voilà donc que, sans révolutionner le monde, elle se met à nouveau à la page.
Bref, l'enquêtrice - la "profileuse" - a examiné une première série de faits, pas forcément les plus spectaculaires, avec une approche moins policière et plus psychologique que ce qui avait été fait jusqu'ici.
Loin de se contenter des PV du dossier, elle s'est rendue sur le terrain et a discuté avec des témoins (dont certains n'avaient jamais été entendus...). "Contrairement à ce qu'on pourrait penser, les souvenirs ne s'estompent pas nécessairement avec leur ancienneté", a d'ailleurs déclaré lundi M. Raynal. Et le tout a donc aussi donné lieu à des "recommandations" qui, dûment suivies, ont entre autres mis en lumière des informations non exploitées ou insuffisamment traitées là où, comme le chef d'enquête francophone Lionel Ruth l'indique, "on avait peut-être été écrasé par la masse des documents".
"Toi, viens avec moi !"
Mais, au-delà des mots, "La Libre" est en mesure de donner un exemple concret de ce travail.
Lors de l'attaque du Colruyt de Hal (1 mort et 1 blessé, le 3 mars 1983), les "tueurs fous" avaient fait se mettre au sol quelques personnes présentes, puis leur chef avait intimé cet ordre au gérant : "Toi, viens avec moi !", avant de se rendre dans la salle contenant le coffre-fort. Viens avec moi... mais pas : "Conduis-moi au coffre !" ni même "Où est le coffre ?" Le distinguo, c'est que la formulation tend à faire croire que le tueur savait déjà où se trouvait le coffre. Et, en l'occurrence, c'était dans un local qui avait aussi servi à la location de camionnettes. Il aurait donc été intéressant de connaître la liste des locataires, en plus de celle des employés.
Mais personne, en 1983 (ni lors du procès d'assises de la "filière boraine", accusée de cette attaque...), n'avait prêté attention à ce "détail" et, depuis, la liste de ces locataires a été détruite. Certes, ceci ne fait rien avancer, mais d'autres sujets du même genre pourraient, eux, conduire à d'éventuels progrès.
À noter enfin que, côté police, la "CBW" est désormais sous les ordres du commissaire divisionnaire Gilles Quinet (Charleroi), qui a succédé à Christian Leteul.
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"Ne rien nier à priori, ne rien affirmer sans preuve."
( Dr. Robert RENDU)