Article paru dans les journaux du groupe SUDINFO
Un célèbre avocat parisien dans le
dossier des Tueurs du Brabant est venu à
Charleroi : « Je viens pour aider », dit
Patrick Ramaël
Le sexagénaire a été engagé par une famille de victimes et il a accepté cette lourde tâche à un
an de la prescription dans ce qui reste la plus importante énigme criminelle de l’histoire de la
Belgique. «Je viens voir ce qu’on peut encore faire» nous a-t-il
confié.
Patrick Ramaël a rencontré Martine Michel. - D.R./P.Sch.
Par Anne Dauchot et Françoise De Halleux
Publié le 27/01/2024 à 06:22
Entre 1983 et 1985, une bande d’individus masqués et lourdement armés ont commis des
braquages meurtriers dans diverses grandes surfaces du Brabant wallon et du Brabant flamand.
Ils ont tué 28 personnes au total. L’enquête sur ces faits, parmi les plus graves que la Belgique ait
connus, aurait dû être prescrite 30 ans après le dernier fait, mais une modification de la loi a
permis aux enquêteurs de prolonger les investigations jusqu’en 2025. Malgré ce nouveau délai,
les Tueries du Brabant restent à ce jour la principale affaire non résolue dans l’histoire judiciaire
belgenombreux morts... - D.R.
Diverses pistes ont pourtant été examinées, en Belgique et à l’étranger et le dossier, qui est géré
à Charleroi par la juge d’instruction Martine Michel, sous l’égide du parquet fédéral depuis 2018.
Dans son rapport annuel de 2018, le parquet fédéral avait d’ailleurs indiqué que l’enquête «devrait
être terminée d’ici 2022, car au moins trois ans seraient nécessaires pour porter l’affaire en
justice et obtenir un verdict dans ce dossier, qui comprend deux millions de pages». Or, on est en
2024 et l’enquête n’est toujours pas clôturée.
«On va voir ce qu’on peut faire»
Un célèbre avocat parisien, Me Patrick Ramaël, vient d’ailleurs d’être engagé par l’une des
familles des victimes et il a accepté sa mission: «Je ne viens pas pour me faire de la publicité. Je
suis quelqu’un de direct, de cash, je viens pour l’efficacité, pour voir si on peut encore faire
quelque chose, pour voir si je peux aider», nous a-t-il confié ce vendredi. Tout en ajoutant: «Les
détails, il faut me comprendre, je les garde évidemment pour les parties civiles, que je rencontre
ce samedi».
N’empêche qu’il se trouvait à Charleroi ce vendredi et qu’il a été reçu par la juge d’instruction
Martine Michel, qui a consacré beaucoup de temps et d’énergie à ce dossier mammouth. «C’est
quelqu’un de direct aussi» a sobrement commenté notre interlocuteur. L’affaire des Tueurs du
Brabant, il en a évidemment entendu parler en France: «C’est normal, vu l’ampleur de l’affaire. Et
puis, on a parlé de la piste de l’extrême droite, de la piste française... J’ai eu l’occasion de m’y
intéresser au fil du temps»
Un arrière-grand-père anversois
Privilégie-t-il la thèse de la «piste française», celle développée par l’ancien enquêteur Jean-Pierre
Adam qui y a, lui aussi, consacré une partie de sa vie? L’ancien gendarme évoque en effet «des
gros joueurs de poker, des drogués, qui avaient de gros besoins d’argent pour satisfaire leurs
addictions. Patrick Ramaël n’en dira mot... mais il semble bien qu’il devait également rencontrer
l’ancien enquêteur lors de son séjour en Belgique. Un séjour dont il dit lui-même: «La Belgique,
pour moi, c’est du bonheur, c’est des vacances. Un des mes arrière-grands-pères était Belge, il
habitait Anvers».
Patrick Ramaël, le juge d’instruction devenu avocat à 64
ans!
Patrick Ramaël est une célébrité dans le monde judiciaire français. En raison de son parcours
atypique mais aussi à cause de ses rapports parfois tendus avec sa hiérarchie et avec les
autorités politiques françaises. Il est notamment celui qui a perquisitionné l’Elysée! Patrick
Ramaël - DR
Par AN.D.
Publié le 26/01/2024 à 17:43
Difficile de faire plus atypique comme parcours professionnel… Petit, dans le Nord où il est
né en 1957, d’un papa ingénieur et d’une maman femme au foyer, Patrick est attiré par le droit
et, singulièrement, par la magistrature. Il y voit, dira-t-il plus tard, toute la beauté du service
public, du service au public. En 1982, il accède à son rêve: il est nommé juge d’instruction à
Avesnes-sur-Helpe. Au cours des 40 années qui suivent, il exercera les mêmes fonctions à
Bordeaux et à Paris. En 1995, il sera aussi détaché auprès du ministère des affaires étrangères
français comme administrateur auprès de la Commission européenne.
Des enquêtes sensibles
Après quelques années du côté du ministère public, il revient à l’instruction et traite des
affaires ultra-sensibles, comme la disparition de l’opposant marocain Mehdi Ben Barka en
1965. Sans avoir peur de mettre les pieds dans le plat. Ainsi, au moment où Nicolas Sarkozy,
alors président de la République française, entreprend un voyage au Maroc en 2007, le juge
Ramaël lance des mandats d’arrêts internationaux à l’encontre d’une série de dignitaires
marocains, une décision qui n’a guère plu. Il enquête aussi sur l’attentat de Karachi ou encore
sur le massacre des moines français à Tibéhrine en Algérie en 1996. En 2008, il
perquisitionne même l’Elysée! Il fera lui-même l’objet d’une enquête disciplinaire mais en
sortira blanchi.
Le magistrat devenu avocat
L’homme est l’auteur de plusieurs ouvrages, certains techniques et destinés au professionnels
du droit. «Hors procédure, dans la tête d’un juge d’instruction» est cependant plus accessible
au grand public.
Patrick Ramaël a clôturé sa longue carrière de magistrat comme président de la cour d’assises
d’Aix-en-Provence le 31 décembre 2021. Quelques jours plus tard, en janvier 2022, il prêtait
serment comme avocat au barreau de Paris pour continuer à fréquenter les prétoires, mais plus
du même côté de la barre.
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