Stratégie de la tension - Stefano Delle Chiaie

avec des organisations privées anticommunistes créées ou instrumentalisées par les services secrets des États-Unis et de l'OTAN, avec des réseaux dormants comme "Stay Behind"/Gladio, des centres de formation spécialisés dans la lutte anti-subversive, des agences de propagande et de guerre psychologique, des associations culturelles, des syndicats, des groupes de réflexion d'extrême droite, des sociétés secrètes, des agences de presse, des sociétés d'import-export, des groupes religieux fondamentalistes, etc.  161  Il n'y a pas eu une grande conspiration "noire" de portée mondiale, mais plutôt l'utilisation de néofascistes par certains services secrets étroitement liés à l'OTAN.

L'importance de ce petit groupe de néofascistes italiens - un peu plus d'une douzaine - dans le déclenchement de dynamiques déstabilisatrices sur deux continents doit être relativisée. L'"internationale noire" était un réseau faiblement articulé de groupes d'extrême droite qui se déplaçait avec une certaine facilité à travers l'Europe occidentale et d'autres parties du monde, en particulier l'Amérique latine  162 . Le lien entre la "stratégie de tension" européenne et la violence vigilante des dictatures latino-américaines n'a pas été établi sur la base de ces mercenaires, aussi actifs soient-ils. Les néo-fascistes ont simplement servi d'intermédiaires et d'exécutants de ces manœuvres violentes qui ont été conçues dans les cabinets de stratégie politique, les centres de renseignement et les états-majors généraux. Les véritables instigateurs étaient les doctrines de la guerre anti-subversive qui avaient été théorisées par le militarisme colonialiste européen au début des années 1960 et rendues publiques dans la décennie suivante par l'OTAN et les services militaires et secrets nord-américains.

La "stratégie de la tension" a réussi en de très rares occasions (en Espagne en 1936 ou au Chili en 1973), mais dans la plupart des cas, elle a eu des effets contre-productifs, car elle n'a pas empêché et même renforcé la consolidation démocratique, comme en Espagne et en Italie dans la seconde moitié des années 1970.  163  Cette "stratégie de la tension" qui menaçait les régimes démocratiques faibles et le vigilantisme encouragé par les dictatures étaient des processus qui coïncidaient dans le temps et ne se nourrissaient pas les uns des autres, mais provenaient du tronc commun de l'anticommunisme de la guerre froide. De la même manière que les organisations et les stratégies de lutte anti-subversive ont émergé en Europe dans les années d'après-guerre, une "doctrine de sécurité nationale" a été conçue en Amérique à la même époque, basée sur la conception d'un supposé état de "guerre totale",

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161  Bale [1994): 47
162  lbíd.: 3.
163  Sur l'histoire de la "stratégie de la tension" et ses mythes, voir Casals [1998): 171-199.

bien que non déclarée, entre le "monde démocratique" et le communisme. Dans le cadre de la campagne de la "doctrine de sécurité nationale" s'inscrit l'activité de l'École des Amériques de l'armée américaine, créée en 1946 à Fort Amador (dans la zone nord-américaine du canal de Panama) sous le nom de Latin American Training Center-Ground Division. En 1949, elle a été déplacée à Fort Gullik, de l'autre côté de l'isthme, sous le nom d'École des Caraïbes de l'armée américaine. En 1961-1962, le Collège militaire de l'armée américaine a organisé des groupes de discussion sur le rôle de l'armée dans la contre-insurrection. En juillet 1963, le Centre d'entraînement latino-américain a été réorganisé sous le nom officiel de l'École de l'armée américaine des Amériques (USARSA), ou plus communément appelé École des Amériques, et en octobre 1984, il a été transféré à Fort Benning, en Géorgie, en tant qu'une des écoles de commandement de la formation et de la doctrine de l'armée américaine.  164

Du néofascisme de l'action dans les années 1960-1970, organisé en réseaux transnationaux semi-clandestins et en petits groupes avec des tactiques de guérilla urbaine ou de terrorisme, le panorama actuel de l'après-guerre froide s'oriente vers l'organisation de véritables unités paramilitaires capables de mener ces nouvelles guerres civiles non conventionnelles. Des guerres de sécession yougoslaves au récent conflit en Ukraine, l'entité des brigades et bataillons armés au service des causes ultra-nationalistes s'est énormément développée, en moyens et en capacités, bien que soutenue logistiquement par l'OTAN dans certains cas. Cependant, en Europe occidentale, le vieil extrémisme combattant caractéristique de la culture politique néofasciste a cédé depuis les années 1990 (avec le cas pionnier de l'Alleanza Nazionale) à un processus d'accommodement des principes de la démocratie libérale, qui dans le contexte de la réaction actuelle contre la mondialisation - le nouvel et insidieux ennemi qui menace les fondements de l'identité nationale - a rendu possible la montée des populismes de droite.

En interprétant les phénomènes de la "stratégie de la tension" et du vigilantisme comme des produits de la guerre froide, et non comme des doctrines exclusives de l'extrême droite de l'époque ou comme d'inextricables théories du complot, nous aurons une vision complète de leur origine, de leur développement et de leurs conséquences, qui vont bien au-delà des errances de ces émules de Garibaldi dans une tonalité de farce sanglante que furent Delle Chiaie et ses complices.

(traduction)

OBJET : Licio GELLI.

1. Le 14.11.1983, un élément de ce Centre C.S. a eu un entretien (1) avec une source normalement fiable (2) qui a rapporté ce qui suit :

a) il était revenu d'un voyage dans les pays d'AMÉRIQUE LATINE (PÉROU - BOLIVIE) où il s'était rendu pour effectuer - au nom des Carabiniers - une recherche du tristement célèbre DELLE CHIAIE.
Afin de retrouver ledit fugitif, il aurait fait appel au chef de la police judiciaire péruvienne (P.I.P.), un certain RODRIGUEZ, âgé d'environ 60 ans, qu'il avait déjà rencontré et en qui il a confiance pour l'avoir aidé dans des opérations de service dans le domaine de la lutte contre le trafic de drogue.
DELLE CHIAIE se trouverait actuellement à MEDELLIN (COLOMBIE), une ville de taille moyenne (comparée par la source à CATANZARO).
Le 12.10.1983, le fugitif s'est rendu au PÉROU pour négocier l'achat d'une grande quantité de drogue à l'état brut.
Etant donné que DELLE CHIAIE, selon les informations de la source, devrait se rendre à nouveau et prochainement à LIMA pour l'achat d'un autre lot de drogue et d'armes, à cette occasion il pourrait être arrêté par le P.I.P. .

*/ *

1) L'enregistrement est disponible dans ce centre CS.

2) Il s'agit d'un élément qui, dans le passé, a offert une collaboration fructueuse dans le secteur de la lutte contre le terrorisme et a été employé à plusieurs reprises dans des opérations de P.G.

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Afin de conclure l'opération, la source a promis une indemnisation adéquate au directeur de cette police d'investigation qui a également demandé à pouvoir disposer à cette occasion d'une copie du mandat d'arrêt qui pourrait justifier la détention en état d'arrestation de DELLE CHIAIE ;

b) dans le cadre de la recherche de DELLE CHIAIE, comme promis à l'époque à l'élément de ce Centre C.S., a activé RODRIGUEZ également pour la localisation de GELLI.
En supposant qu'au PÉROU, comme dans d'autres pays d'Amérique du Sud, la police n'aurait jamais été officiellement activée pour la recherche du "Grand Maître", RODRIGUEZ aurait offert sa disponibilité autrement inaccessible, sinon pour une compensation adéquate.
C'est-à-dire que, selon la source, le fonctionnaire - après des contacts opportuns avec des responsables similaires d'autres pays voisins - a déclaré qu'il était optimiste quant à l'issue de l'éventuelle opération.

Selon la source, le haut fonctionnaire, également sur la base de ce qu'il a appris de ses collègues :

. pourrait être en mesure de localiser et de promouvoir l'arrestation de GELLI ;
- afin de lancer les recherches relatives dont il a besoin, comme ses collègues voisins, pour être convenablement "motivés" ;
. il est au courant des déplacements de GELLI entre le PÉROU, la BOLIVIE et l'URUGUAY.

Dans ce contexte, RODRIGUEZ a obtenu une rencontre - en présence de témoins - entre la source et un "ALMIRANTE" non identifié présenté comme commandant de la marine péruvienne.
L'officier supérieur, s'appuyant sur la garantie donnée par RODRIGUEZ, a suggéré à la source la possibilité de pouvoir vendre des "restes de guerre".

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En réponse à la disponibilité offerte par la source et comme preuve de sa capacité contractuelle, l'"ALMIRANTE" a affirmé qu'elle venait de conclure la vente d'un important lot de "restes de guerre" à un Israélien (indiqué comme un "client" régulier) qui était accompagné d'un Italien.
La source, curieuse, a montré les photos de DELLE CHIAIE et GELLI (sans les noms) et son interlocuteur a reconnu l'"Italien" sur la photo de GELLI en précisant que le sujet n'avait pas de moustache mais une barbe "en dentelle".
Le contact avec le haut officier de marine aurait pris fin avec une invitation à son domicile privé.

Sur Klaus Barbie :

Faux documents de Klaus Barbie

(extrait du livre "The Fourth Reich")

Faux documents de Stefano Delle Chiaie

(extrait du livre "The Fourth Reich")

The Fourth Reich
Magnus Linklater




(...)

A l'époque, l'une des principales destinations des fugitifs italiens d'extrême droite reste l'Amérique du Sud où il existe une vaste et active organisation impliquée dans le trafic international de cocaïne dirigé par des ex-nazis, qui bénéficient souvent de protections gouvernementales.

Stefano Delle Chiaie s'y est réfugié, comme plusieurs ressortissants belges.

https://elpais.com/diario/1983/01/27/espana/412470015_850215.html

Un grupo neofascista organizó el robo de Marbella, según un periódico italiano

Roma - 27 ENE 1983

(traduction)

Un groupe néo-fasciste a organisé le vol de Marbella, selon un journal italien.

L'Italie a délivré à Interpol deux mandats d'arrêt à l'encontre de deux néofascistes impliqués dans le "vol du siècle", a rapporté hier le journal Il Corriere della Sera. Les deux complices présumés rejoignent les trois personnes arrêtées à Rome le week-end dernier comme auteurs du spectaculaire braquage perpétré à Noël dernier dans les locaux de la Banque d'Andalousie. Le premier d'entre eux, Luciano Petrone, vingt-cinq ans, était déjà accusé du meurtre à Rome, le 7 juin 1982, de deux policiers.

Selon le journal, Petrone est "l'un des assassins les plus dangereux du groupe d'ultra-droite Núcleos Armados Revolucionarios" (NAR). Après le double meurtre, il s'est réfugié à Marbella, où il a ouvert un restaurant. Luciano Petrone et un autre complice français, surnommé Lucien, sont désormais recherchés en Amérique latine par plusieurs agents italiens d'Interpol.

Les juges italiens - ajoute le journal - soupçonnent que le véritable cerveau du vol était Stéfano delle Chiaie, ancien chef du groupe néo-fasciste Vanguardia Nazionale et bien relié aux médias d'ultra-droite espagnols de la Costa del Sol, qui est en fuite d'Italie comme suspect du massacre de la gare de Bologne le 2 août 1980, qui a tué 84 personnes.

Son nom est bien connu de la police et de l'opinion publique italiennes, et il est fréquemment apparu dans des complots de trafic de cocaïne liés à des groupes terroristes noirs internationaux. La piste néofasciste semble être confirmée également par l'un des trois arrêtés en Italie, Giorgio de William Pinca, qui apparaît dans les fichiers de police comme un collaborateur de groupes d'extrême droite italiens.

L'enquête menée par le magistrat Davide Iori semble bien avancée, selon Il Corriere della Sera, puisque les trois personnes arrêtées - Giorgio de William Pinca, Fabio Massimo Zito et sa sœur, Silvana Zito - ont avoué leur participation au crime. La police italienne a récemment retrouvé une partie du butin du vol à Rome : des bijoux et des pierres précieuses au domicile des deux frères et une liasse de 20 000 dollars au domicile de Giorgio de William Pinca.

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The Beast Reawakens: Fascism's Resurgence from Hitler's Spymasters to Today ...
Martin A. Lee




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Failed Führers: A History of Britain’s Extreme Right
Graham Macklin




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The other face of Terror
Ray Hill

Encore bravo
Question ?
Avez vous connaissance de comptes qui servaient à alimenter la politique de cette stratégie ?

LA STRATEGIE DE LA TENSION ITALIENNE.
LA STRATEGIE DE L’ ATTENTION FRANCAISE ?

Par M. Guillaume Origoni
Mémoire réalisé sous la direction de M. Pierre Langeron.
Aix en Provence. Année 2011

“ Un attentat n’a d’intérêt que pour ceux qui peuvent guider l’utilisation qui en sera faite
après. Comprenez par après : une fois que les anonymes frappés par cette violence se tournent
vers l’Etat et ses services de sécurité pour demander protection ! Or, qui peut organiser la
maîtrise de tels événements par le biais de ses institutions ? L’Etat et seulement l’Etat, car il est
le seul en mesure de guider les enquêtes où il le désire en utilisant habilement ses services de
sécurité. Je ne dis pas que les attentats et les actions violentes sont le fait de l’Etat, mais il est
seul à pouvoir en tirer un bienfait politique”.

Cet extrait d’interview, tiré du documentaire“Gladio” réalisé par Allan Francovich pour la BBC en 1992,
relate partiellement l’analyse de Vincenzo Vinciguerra sur la stratégie de la tension.

Les violences auxquelles cet activiste d’extrême droite fait référence sont celles qui ont émaillé
l’Italie entre 1947 et 1990.

Il serait vraisemblablement difficile d’expliquer ce déferlement en isolant ces actes les uns des
autres. Ils répondent à une logique qui leur est propre, à une stratégie mise en place dans le
cadre des accords passés entre Est et Ouest au sortir du second conflit mondial.

Cette stratégie dite “ de la tension ” a pour but de maintenir un équilibre politique duquel les
Partis Communistes Occidentaux sont de fait exclus. Cet équilibre repose cependant sur un
déséquilibre social et politique pérenne alimenté par la violence. L’ombre des réseaux OTAN
plane sur les victimes de la stratégie de la tension : les 17 morts et 80 blessés de l’attentat de
Piazza Fontana à Milan le 12 décembre 1969 ou encore les 80 corps retrouvés sous les
décombres de la gare de Bologne le 2 août 1980.La liste est longue. Très longue. Trop longue.

L’histoire officielle relate les conflits ouverts, ceux qui ont un front, des armées et une
stratégie lisible. Les guerres de l’ombre ont la particularité de ne pas être racontées. Il est
donc nécessaire d’opérer une recherche à contre-courant pour établir une parcelle de vérité :
ce n’est pas l’Histoire qui vient à vous, mais véritablement vous qui allez à sa rencontre.

Si la stratégie de la tension italienne était un roman, les critiques fuseraient sur les
invraisemblances, les incohérences et l’imagination débordante de l’auteur. On y croise
effectivement tous les ingrédients d’un “ thriller ” : CIA, francs-maçons, agents doubles, mafia,
réseaux secrets, mais aussi, François Mitterrand, Aldo Moro, Lucky Luciano et l’Abbé Pierre….
Il n’en demeure pas moins que les victimes sont réelles et, pour la plupart d’entre elles,
innocentes.

A quel dessein stratégique devaient répondre les morts de la stratégie de la tension ?

Des premiers attentats en Sicile dès 1947, aux révélations des “ stay behind ” européens par
Giulio Andreotti en 1990, l’Italie traversera trois décennies de son Histoire avec le spectre
d’un Parti Communiste puissant et une Démocratie Chrétienne ayant peut être soufflé sur le
feu de la stratégie de la tension en utilisant les courants extraparlementaires violents pour
asseoir son hégémonie et répondre à la logique géostratégique américaine.

(...)