Il est fort regrettable que certaines archives ne soient pas consultables :
Fin mars 2017, une modification de la loi organique des services de renseignement et de sécurité a été approuvée. Le nouveau texte législatif comprend plusieurs dispositions relatives aux archives de ces services et prévoit notamment une extension du délai dans lequel la Sûreté de l’État doit transférer ses archives aux Archives de l’État, ce que celles-ci regrettent.(...). L’extension du délai de versement de 30 ans à 50 ans pour les archives - n’ayant plus d’utilité administrative - de la Sûreté de l’État est regrettable. De même, l’absence de déclassification (automatique) des documents (comme c’est le cas dans bien d’autres pays) constitue un frein important pour les opérations de transferts d’archives.
Source : http://arch.arch.be/index.php?l=fr&m=actualites&r=toutes-les-actualites&a=2017-06-09-nouvelles-dispositions-concernant-les-archives-des-services-de-renseignement-et-de-securite
Regrettable aussi la destruction de certaines fiches.
La Sûreté de l'Etat trie 570.000 fiches individuelles La Sûreté de l'Etat entreprend le grand nettoyage de ses dossiers individuels. Objectif: se conformer à la loi sur la protection de la vie privée.
Un travail de titan: le service «Archives» de la Sûreté de l'Etat a entrepris de trier les quelque 570.000 (!) dossiers individuels constitués par le service de renseignement civil depuis septembre 1944... Et l'urgence est de mise: la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel précise que ces données ne peuvent faire l'objet d'un traitement que pour des finalités déterminées et légitimes , mais en outre qu'elles doivent être adéquates, pertinentes et non excessives.
Si la Sûreté «nettoie» son fichier, est-ce à dire qu'elle a outrepassé son rôle? Non. Mais il faut constater plus simplement que le temps et les modifications du paysage géopolitique - notamment la chute du Mur - ont ôté de leur pertinence à bien des dossiers. Ainsi, que vaut encore le dossier «X», qui rapporte que telle personne, dans les années soixante, est mentionnée pour un voyage en Pologne ou sa présence à une réception à l'ambassade de la RDA? Les personnes auxquelles ont été prêtées des sympathies communistes seront incontestablement les grandes gagnantes de cette opération.
D'ailleurs, pour éviter que ne passent également à la broyeuse des dossiers qui se révéleraient gênants pour la Sûreté elle-même, aucun document ne pourra matériellement disparaître sans l'aval, le moment venu, du Comité R, comité permanent de contrôle des services de renseignement.
Il y a deux ans que ce travail est en marche, confié à cinq agents qui traitent chacun, chaque jour, plus de septante dossiers. Pour les seules archives «papier»(environ 400.000 dossiers), la Sûreté espère pouvoir terminer son travail dans deux ans. Cent cinquante mille fiches ont déjà été traitées. Après quoi il demeurera 170.000 dossiers microfilmés, plus difficiles et plus fatigants à trier. Sans compter 46.000 fiches-résumés de contre-espionnage, pour lesquelles le grand nettoyage devrait être terminé pour la fin du mois. Globalement, la Sûreté estime qu'un quart environ des dossiers seront en définitive conservés par elle.
La future loi sur les services de renseignement prévoit cependant que les données d'intérêt historique doivent être protégées. Seul un autre quart passera dès lors à la broyeuse. Enfin, une moitié sera préservée - par exemple le dossier individuel de M. Joseph Désiré Mobutu, lorsqu'il était journaliste en Belgique - et confiée aux Archives générales du Royaume. Où la Sûreté se voit interdite d'accès.
Pourquoi s'y être pris aussi tard? Tout d'abord, rappelons que la Sûreté a dû «digérer» un déménagement et une sérieuse reprise en main, sans cadre de personnel suffisant.Mais surtout, il convenait de déterminer le plus exactement possible les critères de tri: ne sont désormais jugées pertinentes que les informations qui ont un lien direct avec les six missions principales de la Sûreté, à savoir l'espionnage, le terrorisme, l'extrémisme idéologique, la prolifération (nucléaire, biologique ou chimique), le crime organisé, les sectes nuisibles.
Ensuite, il fallait déterminer une date-pivot, en l'occurrence le 1er janvier 1985, considérant que tout dossier individuel qui n'a plus été alimenté depuis cette date n'est plus pertinent. Il est entendu que l'opération devra être rééditée dans dix ans, avec un nouveau tri à la clé.
Sur papier, l'opération semble aisée: quand il s'agit d'un double d'un dossier existant par ailleurs à l'Office des étrangers, ou quand il s'agit d'un simple avis de passage par Moscou à l'époque de la guerre froide, la Sûreté l'évacue. Mais «quid» lorsqu'est en cause un ancien dossier toujours sensible, comme celui (qui sera conservé) du Westland New Post, réseau d'extrême droite du début des années 80? Ou celui d'un ancien espion russe, recyclé en mafieux de l'Est?
ALAIN LALLEMAND
Articles page 20
La Sûreté trie quarante années d'archives La face cachée de 570.000 Belges est réexaminée: que doit garder notre service civil de renseignement?
C'est dans les caves de la Sûreté de l'Etat, au «Northgate», que se trouvent désormais l'essentiel des fiches individuelles et dossiers généraux (diplomates, dossiers d'ambassade, etc.) réalisés par la Sûreté de l'Etat. De longs enfilements d'étagères dont l'ordonnancement n'est pas simple à comprendre.
Historiquement, tout commence en septembre 1944, lorsque la libération permet à la Sûreté de reprendre ses activités normales sur le sol national. Les archives d'avant-guerre auraient été perdues quelque part en France durant la débâcle (on les a recherchées à Moscou, sans succès). Les archives de guerre (lorsque la Sûreté était à Londres) se trouvent, elles, désormais au Centre de recherche et d'études historiques de la seconde guerre mondiale.
Retour, dès lors, à septembre 1944, lorsque la Sûreté rédigeait des dossiers «papier» et se divisait encore en «contre-information» (CI) et «renseignements généraux» (RG). L'évolution technique rattrape la Sûreté à la fin des années septante, avec l'apparition des microfiches et microfilms, et les premières archives papier sont couchées à leur tour sur ce support. Vers 1985, l'informatique balaye tout cela; commence le fichage sur ordinateur. Comment traiter un tel fatras?
La Sûreté a commencé par le papier, soit les dossiers individuels rédigés, en gros, dans les années soixante et septante, et réexaminés par ordre chronologique. Pour les microfiches et microfilms, ces agents remonteront le temps. Quant aux dossiers généraux, fond de documentation des services d'études, ils ne sont pas touchés par la sélection actuelle.
Quelques repères: tout d'abord, certains dossiers sont voués d'office à la destruction. Soit qu'ils ne sont qu'une copie d'un dossier existant dans une autre administration (par exemple l'Office des Etrangers), soit quand il s'agit de signaler un simple passage par-delà le Mur, soit lorsqu'il s'agit de personnes identifiées partiellement. D'autres dossiers sont conservés d'office: la dernière information recueillie sur le sujet doit alors être postérieure au 31 décembre 1984 et l'individu tombe dans la liste - secrète - des sujets intéressant la Sûreté.
Ces deux conditions sont cumulatives, mais il peut exister des exceptions: que faire avec les dossiers individuels liés au WNP? On va sans doute les garder, nous est-il répondu. Et si un ancien agent secret roumain revenait, par exemple, dans les réseaux du crime organisé? Pour éviter ce genre d'amnésie, un dossier proposé à la destruction nécessite obligatoirement deux approbations: celle du service d'étude concerné (les analystes) et celle des services extérieurs (les hommes de terrain, actifs en brigades centrales ou territoriales). Mais encore faut-il qu'un avis négatif se justifie objectivement en regard des renseignements récoltés, et non d'une vague intuition.
Malgré ces filtres, il reste des dossiers délicats, nécessitant un double examen. Ou des dossiers insignifiants quant à leur contenu, mais qui peuvent dévoiler l'identité d'une source humaine, d'un agent en activité (ou non).
Les bénéficiaires de ce défrichage de fichier? En premier, la mouvance étiquetée procommuniste. Mais également des pans de notre espionnage que nous avons moins en mémoire: le FLN, l'OAS, les inciviques. Qui ne seront pas oubliés demain, mais dont les dossiers seront légués à l'Histoire: dans un siècle (1), les Archives du Royaume nous préserveront de l'amnésie documentaire.
Par contre, les yeux des agents ne seront pas préservés: imaginez 170.000 microfilms à décrypter...
ALAIN LALLEMAND
(1)La loi de 1955 ne prévoit, en théorie, l'accès public aux archives publiques versées aux AGR qu'après 100 ans. Mais la pratique - notamment pour les dossiers généraux de la Sûreté datant de la dernière guerre - a réduit ce délai de moitié.
MODE D'EMPLOI
Qui fait quoi? La Sûreté se divise en trois branches. Les «services d'intérêt commun» assurent la logistique: documentation générale, informatique, personnel, etc. Les «services d'études», composés de personnel administratif, analysent l'information recueillie par les hommes de terrain. Ces derniers enfin forment les «services extérieurs», divisées en sections locales (Mons, Liège, etc, qui brassent l'ensemble des matières) et en sections centrales (ex «brigades pilotes») qui traitent, elles, de dossiers spécifiques liés à des zones définies du globe.
Les archives. Les fichiers individuels sont de la compétence des archives («intérêt commun»). A ne pas confondre avec la récolte d'information dans les sources ouvertes (journaux, livres, Internet) qui est du ressort de la «documentation générale», laquelle a pour objet, non pas d'archiver l'information, mais de la transmettre aux services concernés. Chaque service compose sa propre documentation. Les dossiers généraux sont du ressort des services d'études, ceux de personnes du ressort des archives.
Puis-je réclamer? Vous n'aurez jamais accès à votre fiche, pour des raisons évidentes de secret. Mais le fichier de la Sûreté est soumis, outre le contrôle du Comité R, au contrôle de la Commission de la vie privée. Comme pour tout fichier tenu en Belgique, le citoyen qui suspecte la Sûreté de l'avoir fiché abusivement peut demander à cette commission de vérifier la pertinence du fichage (s'il existe). Mais attention: dans ce cas précis, le citoyen recevra notification de cette vérification, sans autre information; il ne dispose donc pas d'un accès direct au fichier.
Et demain? L'informatique devrait régler automatiquement les problémes nés du veillissement du renseignement: automatisme des recoupements, automatisme également des destructions. Mais l'informatisation galopante crée d'autres problèmes: Internet a considérablement accru le volume d'information disponible, et la Sûreté contraint cinq de ses agents à suivre le Web du soir au matin. Leur préoccupation: ne pas s'y noyer, et sélectionner au plus vite l'information adéquate...
A. L.
Source : https://www.lesoir.be/art/%252Fla-surete-de-l-etat-trie-570-000-fiches-individuellesla_t-19980919-Z0FRZM.html
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"Ne rien nier à priori, ne rien affirmer sans preuve."
( Dr. Robert RENDU)