Note : je ne sais pas si c'est le meilleur fil de discussion vu qu'il y avait du monde dans un rayon de 500 m du 16, rue de la Loi...
https://www.dhnet.be/actu/faits/2023/02/16/la-juge-qui-enquete-sur-les-tueurs-du-brabant-doit-savoir-ceci-letrange-affaire-etouffee-des-micros-planques-dans-le-bureau-du-premier-ministre-PHPGJFSJUVCZDBMZ7SQSK2PGQM/
“La Juge qui enquête sur les Tueurs du Brabant doit savoir ceci” : l’étrange affaire étouffée des micros planqués dans le bureau du Premier MinistreAprès la série '1985' sur les Tueries du Brabant, les enquêteurs reçoivent des appels. Nous aussi. Des souvenirs remontent...
Publié le 16-02-2023 à 06h36
C'est une étrange histoire, réveillée par la série "1985" co-produite par la RTBF dont les derniers épisodes étaient diffusés dimanche passé.
L'histoire s'appuie sur des éléments matériels avérés: une note confidentielle et des photographies noir/blanc. La note, sur papier pelure jauni par le temps, est adressée un Premier ministre. Elle a été rédigée par Merry Hermanus, qui allait faire carrière en politique.
"À l'attention de Monsieur le Premier ministre.
"OBJET : Investigations visant à la recherche d'appareils d'écoute, installés dans les locaux du 16, rue de la Loi.
"Quatre recherches ont eu lieu :
a) Bureau du Premier ministre
b) Salle du Conseil des Ministres
c) Hôtel particulier
d) Bureau de Mme Jacques (secrétaire particulière du 1er Ministre, ndlr) et Bureaux des Chefs de Cabinet
"Deux appareils d'écoute ont été trouvés : l'un dans le bureau du Premier ministre, l'autre dans le bureau de Mme Jacques.
" D'après les experts, les émissions peuvent être captées dans un rayon de 500 mètres ".
Edmond Leburton est resté dans l'Histoire comme le dernier Premier ministre socialiste et wallon qu'ait connu le pays avant Elio Di Rupo trente-cinq ans plus tard.
Merry Hermanus est alors un jeune collaborateur dans son cabinet, au 16 rue de Loi. Il avait, à l'époque, vingt-huit ans. Alors qu'on reparle de la gendarmerie de ces années-là mise à mal par la série télé '1985', il s'interroge, nous dit-il quand nous le rencontrons, sur une affaire dont il a un témoin direct, sur laquelle il n'y a jamais eu d'enquête, restée mystérieuse. "Ne devrait-elle pas intéresser les enquêteurs du Brabant Wallon ".
Premier ministreNous sommes en janvier 1974, probablement le vendredi 25.
Le pays est en crise : Leburton, Premier ministre depuis l'année précédente, vient de tomber sur l''affaire Ibramco', sous la pression des catholiques flamands farouchement opposés à l'installation en Wallonie d'un méga pôle pétrochimique dont le CVP de Léo Tindemans ne veut pas entendre parler. Edmond Leburton est également très fragilisé au sein de son propre parti, par l'aile gauche du PS qu'emmène André Cools (assassiné, en 1991).
Au 16, Leburton a remarqué ce jeune collaborateur, Merry Hermanus, dont il sait qu'il a effectué son service militaire chez les MP où il était chef de peloton, spécialement chargé de la garde du Parlement.
ConfidencesLa suite a lieu dans les toilettes du Conseil des Ministres, qu'on appelle le 'Jardin d'hiver'. Edmond Leburton faisait signe à Hermanus de le suivre dans les toilettes où le Premier ministre expliquait au jeune homme abasourdi qu'il pensait être sous écoute. "Leburton savait que j'avais gardé des relations au BIC (ex-Administration de l'Information criminelle) et au SDRA (ex-Service de Renseignements de l'Armée). Il me chargeait de vérifier ses craintes".
Merry Hermanus contactait trois personnes : un certain André D. travaillant au BIC ; un autre au SDRA et un photographe en qui Hermanus avait toute confiance.
Les quatre attendaient que tout le monde soit parti, et vers minuit le vendredi soir, ils démontaient les prises téléphoniques, l'une après l'autre, au 16 rue de la Loi. L'un d'eux avait amené du matériel de détection.
Bingo! "Nous avons trouvé le premier micro dans le bureau de Leburton, un appareil rectangulaire de 3 cm sur 3, dissimulé dans une boîte téléphonique fixée au mur. Et un second identique chez sa secrétaire, Mme Jacques".
Il faut rappeler qu'à l'époque, Nixon se débattait aux États-Unis dans l'affaire du Watergate (la découverte d'un matériel d'écoute au siège du parti démocrate) qui allait provoquer sa perte. Tandis qu'à Paris éclatait l'affaire des Plombiers du Canard Enchaîné. À Bruxelles, ce fut le grand silence.
Qui ?On est donc le samedi, il est à 3 h du matin et l'on vient de trouver des micros dans les bureaux du Premier ministre et de sa secrétaire. Merry Hermanus se souvient de la réaction des deux agents des services de renseignements. "Ils ont sorti leurs armes. Nous étions seuls dans le bâtiment et on réalisait soudain que ceux qui avaient placé les micros savaient que nous savions. Comment ceux-ci allaient-ils réagir."
Mais tout est resté calme.
Ils ont encore fouillé la salle du Conseil des Ministres et la Résidence privée du Premier ministre, sans plus rien trouver. La semaine suivante, des recherches avaient lieu dans un immeuble de l'avenue Baden Powell à Woluwe-Saint-Lambert, chez une grande amie de Leburton où celui-ci passait la nuit parfois, quand il ne rentrait pas à Waremme. Un troisième micro était trouvé à l'étage, dans le living, caché, comme les deux premiers, dans une fiche téléphonique.
Black-out totalL'important, c'est ce qui allait suivre. A l'étonnement de Merry Hermanus, le Premier ministre imposait le silence absolu. Il interdisait d'informer le procureur du roi de Bruxelles. "J'avais réveillé M Leburton pour lui exposer nos trouvailles. Je n'avais qu'une question : devais-je alerter les autorités judiciaires ? Sa réponse a été sèche : 'Non, Interdiction absolue. Vous m'amenez les micros à la Mutualité (aujourd'hui 'Maison de la Solidarité', rue Saint-Jean, où se tenait, ce week-end-là, un conseil général du PS). J'ai donc fait comme il demandait. J'ai mis les micros dans un mouchoir et je les lui ai apportés. Edmond Leburton n'a pas dit un mot ".
Hermanus raconte aujourd'hui qu'il n'y a tout simplement pas eu d'enquête officielle. Les médias n'ont rien su. Ou s'ils ont su, ont gardé le silence. 'Pan' a sorti deux entrefilets, et l'hebdomadaire Spécial, un article dont la lecture laisse pantois : "On ne s'y serait pas pris autrement pour enfumer l'affaire." Or les suspects ne manquaient pas.
Merry Hermanus écarte la sphère privée. Même si Edmond Leburton avait une vie agitée, une 'affaire privée' est, pour lui, "impensable".
Il y avait certes aussi l''affaire Ibramco' et derrière elle, d'énormes intérêts en jeu.
Mais pour Hermanus, "il y avait surtout une énorme suspicion sur la gendarmerie ".
En ce temps-là, la gendarmerie - BSR et brigade de Bruxelles - se trouvait rue de Louvain, à deux pas de la rue de la Loi, derrière la chancellerie du Premier ministre, à exactement 109 mètres. Les micros, comme l'indique la note sur papier pelure, avaient une portée limitée de 500 mètres.
Merry Hermanus avait son bureau près de celui de Leburton, à trois bureaux du sien. Les deux n'ont jamais évoqué le sujet. Ils se croisaient plusieurs fois par jour : "Je suis témoin que l'affaire a tout simplement été étouffée, à commencer par celui qui en était la. Pourquoi ?"
Leburton a même nié, ultérieurement, que des micros aient été trouvés dans son bureau.
Or, de doute il n'y avait pas, comme le prouve la note que nous publions, - et les photos.
État dans l'ÉtatOn est ici au niveau du contexte.
La série télé a réveillé des souvenirs. Elle donne du grain à moudre aux partisans des théories sur la gendarmerie (ces mêmes théories que d'autres qualifient d'absurdités, non sans arguments). L'affaire des Tueurs du Brabant débute en 1982. Les perquisitions et l'interpellation en Thaïlande de l'ancien gendarme Robert Beijer, attestent en tout cas que l'enquête cherche, sans œillère, dans toutes les directions. Il y avait des gens, à l'époque, dans cette gendarmerie qu'on considérait comme "un Etat dans l'État", dont la spécialité était de mettre des micros.