chez de lombaerde après le mort de latinus on retouve des articles de presses sur TBW,WNP,deces de latinus et ce meurtre politique
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La mort de Naïm Khader: le procès, 18 ans plus tard Victime expiatoire de la diplomatie secrète? Un révolutionnaire prêt au dialogue
BORLOO,JEAN-PIERRE; LOOS,BAUDOUIN
Page 10
Lundi 15 mars 1999
La mort de Naïm Khader: le procès, 18 ans plus tard
L'assassin présumé du représentant de l'OLP à Bruxelles, Naïm Khader, est jugé aux assises de Bruxelles cette semaine.
C'est quasiment 18 ans après les faits que sera jugé, dès ce lundi devant la cour d'assises de Bruxelles, l'assassin présumé du représentant de l'OLP à Bruxelles, Naïm Khader. Un délai particulièrement long qui s'explique par une autre peine de prison purgée par l'accusé en Autriche. Il s'agit de Hesham Rajeh, 38 ans, né à Bagdad, en Irak, d'origine palestinienne.
Les faits se sont produits le 1 er juin 1981, vers 9 heures, devant un immeuble de l'avenue des Scarabées à Bruxelles. C'est là que résidait Naïm Khader. Il a été abattu de cinq coups de feu en sortant de chez lui. Deux témoins des faits ont poursuivi le tireur. Ils ont perdu sa trace près d'un café de l'avenue de l'Université. Au cours de sa fuite il s'est débarrassé de plusieurs objets: son imperméable et un parapluie. Plusieurs autres personnes l'avaient aperçu déambulant sur les lieux, avant le passage à l'acte.
Cinq douilles ont été retrouvées sur place. La première expertise balistique précise que les munitions sont de marque Makarov et de calibre 9 mm. Rapidement, un portait-robot est réalisé et largement diffusé, en Belgique et à l'étranger. C'est cette piste étrangère qui se révélera la plus porteuse. En Autriche, les autorités de police de Vienne signaleront qu'un mois auparavant, le 1 er mai 1981, vers 7 heures du matin, un membre du gouvernement de la ville, Heinrich Nittel, a été assassiné. Et les munitions utilisées étaient de marque Makarov 9 mm. Curieuse coïncidence.
UN ATTENTAT À VIENNE
Ce n'est pas tout. Le 29 août 1981, toujours à Vienne, un attentat dans une synagogue fait deux morts. Deux auteurs sont arrêtés, dont l'accusé Hesham Rejah.
L'enquête met en évidence des similitudes entre ces différents attentats. Des similitudes qui seront décortiquées par la cour d'assises, cette semaine. Elles reposent sur des dates - le premier jour du mois -, sur la personnalité des victimes, sur le modus operandi... Les enquêteurs suivent la piste de commandos terroristes.
Rajeh nie avoir participé à l'attentat de Bruxelles. Le portrait-robot ressemblerait à la photo de l'accusé prise au moment de son arrestation, le 29 août. Mais par la suite les témoins de l'attentat belge ne le reconnaîtront pas de manière convaincante.
L'expertise balistique apportera davantage d'eau au moulin de l'accusation. Les travaux d'une deuxième commission rogatoire, en Autriche, permettront de comparer les projectiles retrouvés près du corps de Naïm Khader et ceux de l'assassinat de Nittel. L'expert Dery concluera qu'il y a une certitude pratique que les projectiles ont été tirés par la même arme. Une arme sera trouvée chez un certain Younis, décrit comme un organisateur d'attentats. Il y a une quasi-similitude entre l'arme utilisée à Bruxelles et celle saisie chez Younis , conclut un - expert autrichien. Ce sera le principal argument de l'accusation.
Hesham Rajeh a donc fait l'objet d'un mandat d'arrêt fin 1981, mais Rajeh devait d'abord purger une peine en Autriche, où il avait été condamné à perpétuité, notamment pour meurtre. Il fut finalement extradé en 1995.
JEAN-PIERRE BORLOO
Victime expiatoire de la diplomatie secrète?
A qui profite le crime? Pour tenter de comprendre pourquoi le représentant de l'OLP à Bruxelles a été assassiné, il convient sans doute de remettre en situation la donne diplomatique proche-orientale telle qu'elle se présentait le jour de sa mort, le 1er juin 1981.
Après qu'Israël eut occupé toute la Palestine en 1967, les principaux acteurs du conflit israélo-palestinien se montrent intransigeants. Pourtant, l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) entame dans les années 70 un début d'évolution. Ce mouvement perçu en Occident comme purement terroriste remporte en effet des succès diplomatiques, comme en 74, année qui la voit désignée par ses pairs arabes comme seule représentante légitime du peuple palestinien, qui voit aussi son chef Yasser Arafat reçu en grande pompe aux Nations unies. L'année suivante, l'Assemblée générale de l'ONU adopte une résolution assimilant le sionisme au racisme, et en 76, des élections locales organisées par Israël dans les territoires occupés tournent au plébiscite pour cette même OLP.
Celle-ci ouvre même un dialogue «secret» avec les Etats-Unis. Les premiers contacts connus datent de l'époque 73-74, par l'intermédiaire de la CIA. Destinés à l'origine à assurer la sécurité des diplomates américains, ils vont peu à peu se muer en contacts politiques, surtout quand Jimmy Carter arrive au pouvoir, en 77. Plusieurs membres de l'OLP, avec apparemment l'aval d'Arafat, vont eux plus loin: ils rencontrent des Israéliens (d'abord non sionistes puis sionistes de gauche), pour des conversations difficiles, qui progressent à mesure que l'idée - initialement hérétique! - de partager la Palestine en deux Etats gagne du terrain dans les cercles dirigeants palestiniens, au fil des années 70 toujours.
Cela ne plaît pas à tout le monde. En Israël, le Premier ministre Golda Meir niait jusqu'à l'existence d'un peuple palestinien en 1974. Puis, à partir de 77, le premier gouvernement nationaliste de droite, emmené par Menahem Begin, a pris le pouvoir. Avec la ferme intention, vite appliquée, de coloniser davantage les territoires occupés.
LA DISSIDENCE D'ABOU NIDAL
En 1981, le gouvernement israélien rêve en outre d'en découdre au Liban avec l'OLP qui le harcèle à sa frontière nord.
En face, Arafat joue l'ambiguïté, comme souvent. L'OLP est divisée. Les réfugiés ne comprendraient pas l'abandon de «leur» Palestine (Israël), sent-il. Des dissidences se font d'ailleurs jour. La plus radicale? Celle d'Abou Nidal, qui revendique plusieurs attentats contre des Palestiniens jugés trop modérés, donc considérés comme des traîtres. L'OLP le condamne à mort en 1979 mais ne mettra jamais la main dessus.
Naïm Khader sera le douzième représentant de l'OLP abattu par des inconnus depuis 1972. Par qui? Par le Mossad israélien, pour briser les contacts qu'il aurait entrepris avec un diplomate israélien, comme l'affirme un ancien du Mossad, Victor Ostrovsky? Par Abou Nidal, pour le même type de raison? L'un des plus célèbres membres de l'OLP assassinés, Issam Sartaoui, tué en 1983, alla jusqu'à se demander si l'organisation d'Abou Nidal n'était pas au service du Mossad ou, au moins infiltrée par lui...
BAUDOUIN LOOS
Un révolutionnaire prêt au dialogue
Rarement mémoire d'homme aussi engagé suscita tant d'éloges lors de sa disparition. Sur ceux qui l'avaient approché, Naïm Khader avait visiblement exercé une sorte de fascination admirative.
Le temps n'a pu estomper l'image de Naïm Khader, pas plus que celle d'une personnalité peu commune, nous dit Michel Dubuisson, ancien journaliste au «Soir» qui connut bien le Palestinien. Pour les journalistes, il était un homme disponible, prêt à écouter, à entendre l'autre, à apporter un éclairage et qui, s'il n'avait pas toutes les réponses, le reconnaissait. Car, militant de la cause palestinienne, il n'était pas un propagandiste à la langue de bois, tant il croyait en la Palestine, en son peuple et en ses droits. En ce sens, il était un combattant en un temps, le début des années 70 surtout, où les évidences d'aujourd'hui étaient loin d'être acceptées.
Une brochette de témoignages sur Naïm Khader avait été publiée, dès 1981, par Vie Ouvrière. Quelques extraits suffisent à donner le ton.
Ce qui a tué Naïm, écrivait ainsi l'écrivain Pierre Mertens, ce qui l'a offert aux tueurs, ce n'est pas qu'il incarnait un combat révolutionnaire, seulement. C'est que, dans le cadre de cette révolution en cours, il agissait, il s'exprimait en démocrate. Sans sectarisme. Sans repli dogmatique. Prêt au dialogue. Pourquoi eût-il répugné au dialogue, en effet? Il s'y montrait si convaincant! Son intégrité crevait les yeux, comme la connaissance profonde que ce modeste avait des dossiers à défendre. Il les plaidait sans jamais élever la voix. Avec la paisible assurance de ceux qui ont raison. (...) Voilà qui ne pardonne pas. Voilà qui en faisait l'homme à abattre. Puisqu'il n'était que trop crédible.
Certains de ses amis récusaient cependant le qualificatif de «modéré». Sa propension à justifier la lutte armée sans laquelle, disait-il, il n'y aurait aujourd'hui personne pour discuter de nos droits nationaux inaliénables (1980), appuie ce constat.
Naïm n'était pas un modéré - si modération doit signifier compromission et abandon des droits de son peuple, disait ainsi Moaz el-Azem, directeur du bureau de la Ligue arabe à Bruxelles à l'époque. Naïm était essentiellement un homme pondéré, c'est-à-dire un sage qui a su défendre la cause du peuple palestinien avec les armes les plus efficaces, celles de l'intelligence et de la vérité.
Ouri Wesoly, de la revue juive belge «Regards», y expliquait pourquoi la mort de Naïm Khader l'avait touché, bien qu'ils n'étaient pas du même bord. En tant que sioniste, écrivait-il notamment, puisque nous n'ignorons pas, si invraisemblable que cela puisse paraître à certaines heures de désespérance, qu'il faudra bien qu'un jour prenne fin, dans l'honneur et l'équité, ce conflit fratricide qui déchire Juifs et Arabes, Israéliens et Palestiniens. Et que, cela, Naïm Khader le croyait aussi.
B. L.